Donateurs et testateurs Les principaux donateurs et testateurs

Donation de la bibliothèque municipale
au musée Calvet en 1826


Après la restitution aux églises des tableaux qui avaient formé, pendant quelques années, le Musée municipal d'Avignon, il ne restait plus à la Ville que la possession de la Bibliothèque municipale établie par le Gouvernement avec les livres confisqués sur les établissements religieux, pendant la période révolutionnaire.

La Ville, avec ses faibles ressources, désespéra d'ajouter à ce vieux fonds ecclésiastique assez de livres pour intéresser les érudits et la généralité des lecteurs. Elle jugea d'ailleurs que deux bibliothèques publiques étaient pour Avignon un luxe excessif, et elle décida de donner la sienne au Musée-Calvet.
Mais les administrateurs de cet établissement répugnaient à ce don et le refusaient, parce que Calvet avait défendu formellement que sa bibliothèque publique fût jamais confondue et mêlée avec d'autres.
La municipalité redoubla ses instances, et il est curieux de voir par quels arguments elle arriva à vaincre les scrupules de l'Administration du Musée-Calvet.
Le 31 juillet 1820 (cf. DMC 1), le Conseil municipal d'Avignon étant assemblé en séance extraordinaire, le rapporteur s'attacha d'abord à démontrer que la prohibition faite par Calvet de mêler et confondre ses livres et objets d'art dans d'autres collections ne faisait pas obstacle au projet.

« M. Calvet, disait-il, avait sans doute voulu donner à entendre, par un sentiment naturel à l'homme qui cherche à se survivre à lui-même, qu’il craignait qu'en laissant arbitrairement la faculté de déplacer, mêler et confondre ses livres dans d'autres établissements, on ne méconnût ainsi la fixité et la perpétuité qu'il a voulu affecter à sa fondation, et qu'ensuite sa mémoire  ne vint à tomber en oubli ; qu'en expliquant autrement cette clause prohibitive on se jetterait dans une choquante contradiction ; qu'en effet M. Calvet ayant prévu le cas où des dons de livres seraient faits à sa bibliothèque, et applaudi d'avance à ce moyen d'en augmenter la valeur, on devait en induire que la ville d'Avignon pouvait, au moins autant que de simples particuliers, user de cette faculté de donner ...
« Que non seulement on le pouvait,... mais qu'on le devait :
  • 1° En mémoire du fondateur, pour donner plus d'éclat et de célébrité à son établissement ;
  • 2° En ce qu'il n'y avait pas nécessité d'avoir à Avignon deux bibliothèques publiques ;
  • 3° En ce qu'en restant séparées, la bibliothèque de la ville et celle de Calvet n'atteindraient pas assez vite l'importance d'un établissement de cette nature. »
    « Le Conseil municipal,
Vu le testament de M. Calvet, adoptant l'avis de sa Commission par les motifs développés dans le rapport ci-dessus,
A délibéré de donner, au Musée et à la Bibliothèque Calvet la Bibliothèque et le Cabinet d'histoire naturelle appartenant à la Ville d'Avignon ; de réunir, au moyen de ce don, et dans le local de St-Martial, ces deux établissements en un seul, sous la dénomination de Museum Calvet.
…Ainsi fait et délibéré en séance à laquelle ont été présents MM. Soulier, maire ; de Renoard ; Guintrandy ; Verger ; de Blanchetti ; Besse ; Denis Michel ; Chabran ; de la Batie ; Teste ; Lesourd ; de Bertrand ; Michaëlis ; Deleutre ; Roque ; Rolland ; Clément ; Poncet ; Moutte ; Dérat, conseillers municipaux, qui ont signé le présent procès-verbal.»

Il semblait qu'une délibération si explicite devait lever toute difficulté.
Ce ne fut néanmoins que six ans plus tard, lorsqu'un autre Conseil municipal, présidé par un autre maire, et composé d'autres conseillers, eût réitéré l'offre du don de la Ville, dans la séance du 12 mars 1826  (cf. Ibid) ,  que l'administration du Musée-Calvet se décida à l'accepter par la délibération suivante :

Extrait du Registre des Délibérations de l’administration du Musée Calvet.
Séance du 8 avril 1826.
M. le baron de Montfaucon, maire de cette ville, a exposé que le Conseil municipal, dans ses séances des 31 juillet 1820 et 12 mars 1826, a délibéré de donner au Museum et à la bibliothèque Calvet, la bibliothèque et le cabinet d'histoire naturelle appartenant à la Ville et de réunir les deux établissements en un seul sous la dénomination de Musée-Calvet, et, après avoir donné lecture de ces délibérations, il a proposé de délibérer sur l'acceptation de ce don.
L’administration, accueillant la proposition de M. le Maire,
Considérant que le testament de M. Calvet l’autorise à accepter les dons qui pourraient lui être faits en livres, manuscrits, argent et choses précieuses ;
Que, pour tous les motifs énoncés dans les délibérations du Conseil, le don offert présente les plus grands avantages pour le Museum-Calvet ;
Qu'il y a par conséquent lieu de demander, aux
termes de l'article 937 du Code civil, l'autorisation de l'accepter ; ……….    
Par ces motifs,
L'Administration a délibéré de demander au gouvernement l'autorisation d'accepter le don, offert par le Conseil municipal, de la bibliothèque et du cabinet d'histoire naturelle de la Ville, en se réservant de vendre ou d'échanger les ouvrages doubles existant dans cette bibliothèque ...
Et ont les membres présents signé.
Jules Teste ; d. Michel-Beaulieu ; le baron de Montfaucon ; Tempier ; Requien.
 
Quatre mois après, l'accord de la Ville et de l'administration du Musée-Calvet recevait la sanction officielle :
Ministère de l'Intérieur
Arrêté :
Nous, Ministre, Secrétaire d'État au département de l'Intérieur,
Conformément au vœu émis par le Conseil municipal de la ville d'Avignon,
Arrêtons ce qui suit :
Article 1er.-La ville d'Avignon est autorisée à réunir la Bibliothèque communale au Musée Calvet.
Article 2. — Les livres doubles qui se trouveront dans cette Bibliothèque pourront être vendus pour acquérir de nouveaux ouvrages.
Paris, le 20 juillet 1826.
                    Signé : Corbière.

Pour ampliation :
Le conseiller d'État, Secrétaire général,
Signé : Baron Capelle.

L’affaire avait suivi toute la filière légale et administrative :
  • 1° Offre du don faite par le Conseil municipal, non point d’une façon inconsidérée, mais répétée deux fois, à six années d’intervalle, par deux maires et deux conseils différents ;
  • 2° Acceptation de l’administration du Musée-Calvet ;
  • 3° Autorisation gouvernementale.

On ne saurait assez souligner l’enrichissement procuré au Musée Calvet par la donation de la bibliothèque municipale. C’est de celle-ci que lui viennent ses beaux manuscrits anciens provenant des couvents supprimés par la Révolution et ses nombreux imprimés des XVme  et XVIme siècles. Le Musée Calvet lui doit également de posséder une des collections de théologie les plus considérables de France. Avant guerre M. Alfred Coville, membre de l’Institut, s’émerveillait de la richesse exceptionnelle de son fonds de jurisprudence ancienne.